Mon papa à moi, pt. 2

 

Papa, papi, dada, daddy, peu importe leurs noms, pour un 2e épisod donne la parole aux darons. Témoignages de pères de différents horizons.

 

Écoutez l’épisode :

 

Transcript

« Ce que je voudrais que mes enfants se rappellent de leur père, c'était qu'il n'était pas parfait, mais qu'il était toujours prêt à faire un effort.»

 

« Mon beau-père, c’est un père pour moi. »

 

« Toi,  en  tant  que  père,  il  faut  que  tu  sois  là.  Il  faut  que  t'encourages.  Il  faut  que  tu  participes. Il  faut  être  présent. » 

 

« Donc c'est très, très, très important pour moi : présence, protection et pourvoir. »

 

« C’est mon père […], mais ce que j’ai vécu avec mon frère, mon grand-père et mon oncle, c’est pas comparable. »

Papa, papi, baba, daddy… peu importe leurs noms, aujourd’hui à Odyans, c’est parole aux darons. Témoignages de pères de différents horizons.

Dans l’épisode précédent, on a rencontré Hervé, le père de deux jeunes enfants. Hervé nous expliquait comment pour lui, la paternité a commencé par une profonde introspection. Écoutons-en plus.  

« J'ai dû passer par un questionnement. Je me dis, la société on dirait qu'elle a toujours été faite en fonction d’un pattern à suivre : tu vas à l'école, t’as ton diplôme, t’as un emploi, tu te maries, t’as une maison, t’as des enfants par la suite. Après mon mariage, ma femme et moi, on a passé quatre ans à essayer d'avoir notre premier enfant. Puis durant quatre ans d'essai, c'est là que j'ai commencé à me poser des questions. Est-ce que c'est parce que je ne devrais pas en avoir, des enfants? Est-ce que c'est pour ça que je n'en ai pas? En tant que chrétien, tu te dis qu'un enfant, c'est une bénédiction. Donc si je n'en ai pas, est-ce parce que je ne suis pas en mesure d'en avoir? Qu'est-ce qui bloque? J'ai dû me poser des questions sur le type de personnalité que j'avais. Puis c'est là que je me suis rendu compte que j'avais des faiblesses au niveau de mon caractère : soit trop cholérique, impatient. C'est là que j’ai commencé à me demander d’où ça venait et pourquoi je ne voulais pas répliquer ça par la suite si j'avais des enfants. Je me suis rendu compte que oui, je voulais des enfants, mais qu'il fallait que je travaille sur moi-même avant d'en avoir. Je pense que c'est un travail de vouloir en avoir et de savoir pourquoi j'en voulais aussi. Je peux te dire, moi, la raison pour laquelle je suis impatient, c'est parce que je répétais des choses que j'ai vues. Comment mon père réagissait à certaines situations. Puis je me suis rendu compte que je réagissais de la même façon. Par exemple, si mon enfant renverse son verre de lait, comment je vais réagir? Est-ce que je vais péter une coche? Est-ce que je vais être comme : “OK, c'est correct, t'as pas fait exprès, t'es un enfant, c'est normal.” Mais c'est là que je me suis demander comment je peux m'arranger pour ne pas répliquer ça dans ma vie de père, de mari. C'est de la pratique, de la patience, de l'amour, de la reconnaissance pour le fait que t'aies un enfant, parce que c'est pas un droit acquis, c'est pas tout le monde qui a le droit d'avoir un enfant. Pour moi c'est une bénédiction d'avoir des enfants. Je voulais pas devoir passer par des moments où est-ce que j'allais traumatiser mon enfant et que plus tard, il aurait du ressentiment envers moi. Je veux vraiment pas ce genre de situation-là. »

En 2024, quel genre de père on doit être? Le type fun, qui joue avec les enfants? Le daron strict, qui est là pour faire régner l’ordre? Le pourvoyeur, qui met toute son énergie dans le travail pour payer les bills? L’impliqué, qui va à tous les rendez-vous, toutes les pratiques, tous les matchs? Pour Kenny, un autre papa qu’on a rencontré dans l’épisode précédent, ça se résume à ce qu’il appelle « les trois P ».

« Le premier P, c'est présent. Je trouve qu'un homme doit toujours être présent. J'essaie de l’être le plus possible pour ma femme et pour ma fille. Pas seulement dans la maison, mais dans leur vie et psychologiquement aussi. Parce que des fois, on sait que certains pères sont présents dans la maison, mais n'ont aucune relation avec eux. Alors j'essaie d'être le plus présent possible. Éventuellement, quand elle va grandir puis avoir des activités, c'est extrêmement important pour moi d'y être. Alors il faut que j'ai soit un emploi, soit ma propre business dont je peux m'absenter pour aller à une activité de ballet ou peu importe. Pour moi, c'est très, très, très important la présence. Pour la deuxième chose, la protection, il faut que je protège autant ma femme que ma fille. Il faut qu'elles aient ce sentiment de sécurité, d'assurance. Pour les femmes, on sait que c'est extrêmement important. Pour ma fille, j'essaie d'être le plus présent et la protéger. Et le troisième P, c'est de pourvoir. On le sait que souvent l'homme, c'est lui qui pourvoie pour sa famille. Je pense que ça, encore une fois, ça vient de notre background biblique chrétien. Puis ça, je trouve que c'est très pertinent encore aujourd'hui de pourvoir justement à tous leurs différents besoins, non seulement financièrement, mais émotionnellement aussi. Donc, encore une fois, ça revient à la présence. Si elle veut de quoi, je veux être en mesure de lui donner. Puis c'est la même chose pour ma femme jusqu'à maintenant, puis éventuellement pour ma fille. Peut-être pas si elle veut 10 choses, mais si elle en veut une, deux ou trois, il faut que je sois en mesure de lui donner. Donc c'est très, très, très important pour moi : présence, protection et pourvoir. »

Quand on les écoute, on sent que nos papas milléniaux mettent beaucoup d’emphase sur la présence : être là pour leurs enfants, participer à ce qui se passe dans leur vie.

Intervieweur : « Est-ce  que  tu  as  vu  ça  en grandissant, un  père  qui  venait  à  tes  pratiques  de  basket? »

Kenny : « Non,  absolument  pas.  Mon  père  n’est  jamais  venu  à  aucune  game,  aucune  pratique,  aucune  école, rien. Mais  est-ce  que  je  le  voyais  dans  ceux  d'autres  jeunes?  Je  pourrais  dire  que  oui.  Puis  je  trouvais  ça  nice.  Admettons,  t'sais,  t'es  là,  tu  joues,  puis  t'entends  ton  père  qui  crie  dans  le  crowd.  Je  trouve  que  c'est  vraiment  quelque  chose  d'assez  spécial.  Donc,  moi,  je  me  dis  qu'il  faut  que  je  le  sois  là.  Il  faut  que  je  le  sois  là. »

« Toi,  en  tant  que  père,  il  faut  que  tu  sois  là.  Il  faut  que  t'encourages.  Il  faut  que  tu  participes. Il  faut  être  présent. » 

Celui qu’on entend, c’est Jean-Philippe, père d’une adulte et d’un ado. Il parle de comment, quand sa fille était petite, il se faisait un devoir de l’amener à ses cours de patinage artistique. De rester dans les estrades, avec les autres parents. D’assister aux compétitions, etc.

« C'est  une  chose  que  tu  dis.  "Ouais,  mais  nous,  on  n'a  pas  eu  ça.  J'aurais  voulu  faire  ci,  j'aurais  voulu avoir ça…"  Moi,  tout  ce  qu'on  me  disait, c’était : "Eskou janm wè yon ti nwa nan televizyon?"  Mon  père,  c'était régulier.  Lui,  assis  sur  son  sofa, tout  ce  qu'il  aimait,  c'est  regarder  la  lutte.  La lutte arrivait [à la télé, ndlr] et il embarquait . Tu  voyais  que  pour le  gran moune,  c'est  la  réalité, cette  violence.  Ça n’existait pas avant, les parascolaires. Au  primaire,  on  avait  des  sorties,  c'était  comme  5$.  Je  me  rappelle  une  année,  c'était  dur,  il  y  avait  moi  et  ma  sœur,  on  étaient les  seuls  à  l'école.  Tout  le  monde  était  parti  en  sortie.  Pour  10  $  au  total.  Ils  nous  trouvaient  des  choses  à  faire.  Il  fallait  qu'on  aille  à  l'école.  Il  n'y  avait  pas  de  rester  à  la  maison.  Au  bout  de  la  ligne, tu  veux  pas  que  ton  enfant  vive  ça. Pis  avec  toute  la  pression  sociale,  avec  tout  ce  qu'on  entend,  t'sais,  tu  veux  pas  tomber  là-dedans.  Tu  veux  pas  qu'on  parle  de  toi  comme  si tu  t'es  pas  occupé  de  ton  enfant. »

Sur quoi nos papas s’appuient pour savoir comment agir avec leurs enfants? Pour plusieurs, il y a d’abord la foi. Comme dit Kenny :

«  Je suis quelqu'un qui est chrétien. Donc c'est sûr que ça, c'est le numéro un. Me fier à ce que la Bible dit c'est prioritaire. Et c'est sûr que c'est quelque chose que je veux léguer, transférer à ma fille, c'est sûr et certain. Donc ma femme et moi, nos fondements sont chrétiens d'abord. »

Il y aussi leurs propres pères, évidemment. Après tout, c’est pas pour rien qu’on parle de « figure paternelle » : le rôle d’un père, c’est central. Mais des fois, ce rôle-là est rempli par d’autres. Par des grands-parents, par exemple. Dans notre communauté, les grands-parents font souvent partie de l’éducation des enfants. Beaucoup d’entre nous, on a grandi avec nos grands-parents dans la maison. Ils nous gardaient quand nos parents étaient pas là, soit pour le travail ou autre. Ils aidaient dans les affaires de la maison. Et forcément, ils ont contribué à faire de nous qui on est. Exemple Jonathan, qu’on a rencontré dans l’épisode précédent :
« Un principe de mon grand-père que je garderais ou que je voudrais transmettre à Josh. Je pense que c'est le respect. Comme... Mon grand-père n'était pas quelqu'un de très bavard, mais le respect, les gens le lui donnaient sans avoir à interagir, et il demandait qu'on donne le respect aussi aux autres. Puis je trouve que c'était une bonne chose dans un sens aussi parce que no matter what, les gens qui venaient le voir ou les gens quand je pouvais sortir avec lui, soit lui donnait toujours le respect à l'autre personne ou soit la personne donnait toujours le respect. Je pense que c'est quelque chose d'important. Surtout que c'est mon grand-père, j'ai vécu avec lui toute ma vie dans un sens. Il a toujours été là. Il y a certaines choses que, oui, j'aurais voulu, mais ça vient aussi des recettes. Par exemple, des petites recettes quand t'es malade, c'est lui qui les faisait. Les petits bois de santé, des affaires comme ça. C'est des petites affaires que j'essaie de lui donner aussi à Josh dans le sens. Puis j'essaie de me rappeler aussi des petites choses qu'il me disait. Par exemple, là, j'essaie de me rappeler, mais c'est comme par exemple quand on sortait, il me disait de faire attention.  C'est juste cette petite affaire-là. Si je sortais de la maison et que je ne rentrais pas le lendemain, je le disais à lui. Si je ne parlais pas avec ma mère, je le disais à lui. Je disais comment je suis dehors, je ne rentre pas avant demain. Je ne sais pas si c'est ce côté de respect parce que j'étais avec lui. S’il s'inquiète pour moi, ça va être un problème pour moi, surtout s'il m'arrive quelque chose. Ma responsabilité, c'était toujours d'avoir un certain respect envers lui et de lui dire ce que je faisais ou quoi que ce soit. Même, par exemple, quand ma mère a décédé, il est allé dans un CSLD. J'étais parti en vacances avec ma copine, puis c'était la première chose, j'étais comme, je peux pas partir pour pas lui dire. Puis je suis allé le voir, puis je lui ai dit, je pars à tel, tel endroit, je reviens tel, tel moment. Puis, tu sais, c'est pas comme si j'avais besoin de son accord, mais c'était le respect que j'avais envers lui. J'étais comme, non, si je fais quelque chose, il faut que je le dise no matter what. C'est une des plus grosses valeurs que je retiens. »

Même chose pour Hervé. Lui aussi, il retient de son grand-père.

« Même en hiver, il se déplaçait, il allait chercher mon Harvey's, il allait chercher mon McDonald's. Je me rappelle, une des choses que mon grand-père a fait, c’est le premier qui m’a acheté mon premier suit, mon premier complet. Pas un complet déjà fait de chez Walmart, non, du sur mesure, fait par un Italien, avec du bon tissu. C’était le genre de personne à vouloir que ses petits-enfants soient confortables et paraissent bien. Moi, c'est la même chose que je veux pour mes enfants. Je veux qu'ils aillent bien non seulement physiquement, mais émotionnellement. Je veux qu'ils se rappellent que je vais toujours faire des efforts pour que cet aspect-là de leur vie, que ce soit leur confort physique ou émotionnel, ils vont l'avoir avec moi. »

En plus de leur lepè comme dit, nos papas s’inspirent de plusieurs autres figures paternelles qu’ils ont vues. Autant dans la vie qu’à la télé. Encore une fois, Jonathan :

« Ça paraît peut-être farfelu, mais comme les TV shows, les différentes séries que tu peux avoir regardées, on va dire Fresh Prince. C'est comme les mœurs, c'est les choses que Dr. Phil pouvait donner à Will ou à ses enfants aussi […] Je pourrais dire aussi mon grand-père et mon oncle Marques. Je n'étais pas tout le temps avec lui, mais il avait une manière d'élever ses filles. Je voyais comment il travaillait, mais tu savais pourquoi il travaillait autant. C'était pour pouvoir donner le meilleur à ses enfants. Sa femme aussi, on s'entend, mais le fait d'avoir quatre enfants, quatre filles, il travaille encore plus fort aussi pour pas qu'elles soient dépendantes. C'était dans ses discours aussi. Mon grand-père aussi : douze enfants – c’est fou, – le fait d'être venu ici [au Canada, ndlr], la manière qu'il gérait ses enfants, comment il communiquait avec elles, ou comment il se comportait en tant qu'homme, en tant que figure paternelle, – je trouve qu'ils m’ont beaucoup marqué. Je te dirais que mon frère aussi, à un certain moment, la discipline qu'il pouvait avoir avec ses enfants, l'encadrement qu'il essaie de donner. T'en prends et t'en laisses . On s'entend que chaque enfant n'est pas pareil, donc chaque famille non plus n'est pas pareille. C'est là que je dirais que j'ai pris le plus d'inspiration. »

Des figures paternelles dont on parle peut-être pas assez : les beaux-pères. Y’a plein de gars qui élèvent des enfants, qui leur inculquent des valeurs, qui se dévouent pour eux, même s’ils ont pas le même sang. Et eux-aussi, c’est des sources d’inspiration. Exemple, celui de Jérémie, un autre des papas de notre épisode précédent :

«  Pour  vrai, sans exagérer, c'est là que je dis que Dieu est vraiment grand. Parce qu'il y a beaucoup de gens qui chialent parce qu'ils n'ont pas eu de père. Comme un peu moi, je n'ai pas eu mon père biologique. Mais grâce à Dieu, j'ai eu mieux que ça. No disrespect. Je parle avec mon père encore. Mais je suis devenu un homme, j'ai des bonnes valeurs et tout grâce à mon beau-père. C'est lui qui m'a vraiment fait comprendre la vie, genre. Puis qui me l'a montrée, genre : "regarde-moi faire". C'est pour ça aussi que je me considère comme un bon papa, parce que je prends des bonnes décisions, parce que j'ai vu un homme le faire, prendre des bonnes décisions, mettre la vie de ses enfants first. Comment je peux dire ? C'est ça. Il a mis ses valeurs en place. Quand je foire, je foire moi-même parce qu'on m'a bien appris. Mon beau-père, c'est un père pour moi. C'est mon père pour moi, quasiment. Juste pas biologiquement parlant. Dans ma malchance, j'ai eu une grande chance parce qu'il a changé la vie de moi, quand même mon petit frère, ma mère. On a eu un père, là. »

Est-ce que vous voyez la même chose que moi? On dirait que peu importe si ton père était là ou pas, ça détermine le genre de père tu vas être. Soit ton père était là quand t’étais petit, et tu veux lui ressembler ou pas du tout. Ou soit il n’était pas là et toi non plus t’es pas dans la vie de tes enfants ou tu veux absolument pas faire comme lui. Checkez Jérémie :

« Mon père, moi, il n'était pas vraiment là. Mais malgré ça, je le voyais quand même comme Superman. Je voulais toujours  être avec lui. Dans le fond, live, qu'est-ce que je fais ? Je me sers de ça avec mon fils. Je vois comment il me colle partout et je lui donne ce sentiment-là. Je suis là, je l'emmène partout, tu comprends ? Mais je suis toujours là, On est toujours ensemble. Je veux qu'il le vive. Comme ça, au moins, si à un moment donné, genre,  je vais pouvoir voir s'il y a une différence pour de vrai. Est-ce que c'est moi qui voulais juste que mon père soit là ou bien est-ce que le fait que je suis là va vraiment faire une différence dans comment mon fils va être? » 

Peu importe le modèle paternel qu’ils ont eu, tous nos papas insistent sur l’importance de l’effort, du sacrifice pour leurs enfants. On laisse le mot de la fin à Hervé qui résume vraiment cette vision:

«  Ce que je voudrais que mes enfants se rappellent de leur père, c'était qu'il n'était pas parfait, mais qu'il était toujours prêt à faire un effort. Dans le sens que je ne sais pas tout. Je ne sais pas tout faire. Je ne comprends pas tout, mais je vais toujours faire un effort de comprendre, je vais toujours faire un effort de m'adapter à eux, je vais toujours faire un effort d'être présent pour eux. Je vais toujours faire un effort de leur donner ce qu'ils ont besoin. Je vais faire des sacrifices. Moi c'est ça que je veux qu'ils se rappellent. »

 

Dépôt légal, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2024

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